Yann Borgnet

Cela fait un moment que je rêve d’aller skier dans cette région. J’ai longtemps scruté les cartes du Kirghizistan, avant de me rendre à l’évidence qu’il n’était pas simple d’y faire de l’itinérance sans que cela devienne une logistique complexe et sans faire la mule. Puis Simon, un collègue guide, m’a soufflé l’idée du Kazakhstan, au sud d’Almaty.

En explorant les cartes, je me suis rendu compte qu’il y avait une constellation de petits bivouacs, des algécos financés par des acteurs de la finance kazakhs avec le concours de la ville d’Almaty, tous situés entre 3000 et 3500m d’altitude. Il n’en fallait pas davantage pour me convaincre.

Skier dans les Balkans est un vieux rêve. Bien sûr pour le ski. Mais aussi pour l’ambiance de ces anciens pays du bloc de l’Est. J’ai imaginé ce voyage comme une itinérance en deux temps, qui nous permettra de traverser les deux massifs de Rila et Pirin, situés au sud de la capitale Sofia.

Nous dormirons la plupart des nuits dans des refuges au confort spartiate, ou bien en cabanes non gardées. Entre les deux itinérances une halte s’impose dans la petite ville de Bansko, forte en contrastes… Et la deuxième nuit du voyage sera « monastique ».

Skier dans les Balkans n’est pas commun. Le projet que je vous propose ici vise à traverser intégralement un massif de montagnes, d’ouest en est et sur près de 85 km.

Les montagnes de Sharr ne sont pas très élevées: leur point culminant, le Mont Korab, culmine à un peu plus de 2700m d’altitude, ce qui permet notamment à l’habitat permanent d’occuper ses contreforts : à l’ouest, l’Albanie et son village de Radomirë ; au nord, le Kosovo et ses villages de Restelicë, Lubinjë e Poshtme, Prevallë et Brezovicë et au sud, la Macédoine du Nord et ses villages de Bozovce et Vejce.

Nous rallierons chaque soir l’un de ces villages pour y passer la nuit, chez l’habitant. 

Aux confins de l’Épire, là où les vallées profondes séparent les reliefs encore préservés, s’ouvre une traversée inattendue. Depuis les contreforts des Tzoumerka jusqu’aux lignes élancées du Pinde, l’itinéraire déroule une mosaïque de paysages : forêts de pins tordus par le vent, villages de pierre figés dans l’hiver, crêtes panoramiques d’où l’on devine l’Olympe à l’horizon.

Cette traversée conjugue l’intensité du voyage à ski et la découverte d’une Grèce méconnue, où le dépaysement naît autant des paysages enneigés que des rencontres au fil du chemin. Un itinéraire sauvage et singulier, qui marie la mer et la montagne, la rudesse des reliefs et la douceur des villages.

Skier dans les Prokletije – ou « Alpes albanaises » – c’est plonger au coeur du massif le plus sauvage des Balkans. L’idée m’est venu comme souvent en plongeant dans les récits de l’une de mes bibles : « Les Grands raids à ski ». Michel Parmentier y narre un voyage réalisé au début des années 1980, alors que l’Albanie était encore une dictature communiste, complètement fermée, dirigé par Enver Hoxha et le Monténégro et le Kosovo étaient intégrés à la Yougoslavie aux frontières surveillées. Il y raconte, entre autres, que l’abondance de neige offerte par le climat continental et le brouillard dans lequel ils ont évolué tout au long du périple les ont sauvés de mauvaises rencontres. Avec une envie d’exploration contrainte par le contexte géopolitique d’alors : « Je revois les images fugitives de l’Albanie à nos pieds. A perte de vue des montagnes aux profondes vallées. Il y avait peut-être à ce moment-là, en nous, le regret de ne pas avoir plongé ». Aujourd’hui, les Prokletije offrent un visage très différent : les frontières sont ouvertes, la randonnée et le ski de montagne y trouvent leur place, et les habitants transforment peu à peu l’accueil des voyageurs en un vecteur de développement local.

Notre exploration du massif des Prokletije sera ainsi moins contrainte, l’idée étant de réaliser une véritable aventure transfrontalière reliant à ski trois pays — Monténégro, Albanie et Kosovo. Depuis le village reculé de Vermosh, nous progresserons d’est en ouest, en passant par Lëpushë, Vusanje, Valbonë, Çerem et Deçan, pour se terminer à Velika. Chaque soir, nous serons accueillis dans des guesthouses locales, au confort simple mais chaleureux, l’occasion de partager la vie et l’hospitalité balkanique.

Au total, l’itinéraire représente environ 12 500 m de dénivelé positif et 115 km. Un voyage d’exception, où l’aventure peut commencer dès l’accès : il sera en effet possible de rejoindre l’Albanie en ferry depuis l’Italie, avant de remonter vers les vallées reculées des Prokletije.